Félix Vallat est ce qu’on appelle un passionné. Arrivé en Namibie il y a plus de 15 ans, son histoire avec ce pays est tout aussi captivante. De guide en passant par la création de sa propre compagnie de safaris, il a surtout crée TOSCO, cette formidable association dont le but est de  »contribuer à des programmes environnementaux financés par le tourisme ». Un exemple réussi de tourisme durable.

Félix Vallat, français d’origine, mais namibien d’adoption, fait partie de nos Talents d’Afrique. Un parcours inspirant aux actions qui font réellement la différence.

Félix Vallat

Felix, peux-tu te présenter, raconter ton histoire avec la Namibie ?

Bonjour et merci pour votre intérêt envers ce fabuleux et fascinant pays qu’est la Namibie, dans lequel je suis installé maintenant depuis plus de 15 ans. Je suis venu ici par curiosité, sur les grands espaces, les animaux sauvages et l’Afrique Australe. Mais ayant déjà voyagé dans de nombreux autres pays Ouest Africains, dont un long voyage à vélo, je ne voulais pas m’y présenter en tant que voyageur de passage, c’est pourquoi j’ai d’abord cherché un travail afin de mieux me rendre compte des réalités locales.

Ce travail a pris la forme d’un stage de fin d’étude après mon école 3A et ce qui devait durer 6 mois ne s’est finalement jamais terminé ! Je ne me suis toujours pas remis de mes premières sensations et émotions en Namibie. Bercé durant mon adolescence par des livres de grands explorateurs, je pensais être né trop tard pour voir de mes yeux des contrées vierges et sauvages.

Et pourtant en Namibie, j’ai été servi ! Les éléments sont tellement puissants qu’ils remettent l’Homme à sa place, et nous savons à quel point il a besoin d’une leçon d’humilité. A moi ils m’ont donné un équilibre, un apaisement et j’ai aujourd’hui envie de leur rendre quelque chose, je me sens redevable vis-à-vis d’eux.

Peux-tu nous présenter Tosco ?

« TOURISM SUPPORTING CONSERVATION (TOSCO) » est un association namibienne à but non lucratif contribuant à des programmes environnementaux financés par le tourisme (www.tosco.org). En rejoignant TOSCO, les acteurs touristiques peuvent protéger les ressources sur lesquelles ils vivent, améliorent leur image et leurs voyages en partageant et valorisant cette expérience de préservation.

Mais les membres ne sont pas seulement les acteurs du tourisme mais tous ceux qui apprécient les ressources naturelles namibiennes et qui souhaitent les préserver. 

Comme as-tu eu l’idée de créer cette association ? Tes motivations ?

TOSCO a été créée en 2012 suite à l’empoisonnement d’un clan de lion du Namib dans un village dans la région du Kunene (hors parc national). Cela a provoqué beaucoup de ressentiment et de négativité chez le public et notamment dans le milieu du tourisme et des guides. Cela a aussi permis de se poser les bonnes questions et essayer de comprendre comment et pourquoi les villageois en sont arrivés là. Et c’est pourtant simple, pour eux le lion est une menace et en aucun cas une opportunité, il n’a rien non plus de romantique. Tout le contraire donc de ce que peut ressentir un voyageur et un guide de safari. 

Le défi était comment inverser les choses, canaliser cette énergie négative en quelque chose de positif et de constructif. Comment ré équilibrer ce qui est un coût pour certain et un bénéfice pour d’autres. Car au final, il est tout à fait logique que ce sont ceux qui cohabitent avec la faune sauvage qui doivent avoir le dernier mot (https://vimeo.com/tosconam/lion). 

J’ai toujours été fasciné (voire obsédé) par la transformation du tourisme en outil de préservation de l’environnement; lui redonner du sens et une valeur méliorative qui n’est pas de la simple consommation mais au contraire une création. D’un point de vue aussi personnel, passer du temps dans ces grands espaces permet de voir loin, au sens propre comme au figuré. Ces territoires non aménagés et leur beauté époustouflante sont inspirants.

Association TOSCO en Namibie pour un tourisme responsable

Quel a été l’accueil des professionnels du tourisme ? Et de quelle façon s’engagent-ils ?

Un noyau dur de passionné a été d’accord pour se réunir et agir financièrement pour éviter que ce genre d’incident ne se produise à nouveau. Bien entendu, ce n’est pas une réunion et quelques sous qui vont régler les conflits entre l’homme et l’animal sauvage tout comme enrayer le déclin de la biodiversité par la perte d’habitat. L’engagement pour la plupart des membres est financier par une contribution annuelle mais il peut aller encore plus loin pour certains par la prise en charge de la gestion de programme.

Ces projets sont réalisés soit en autonomie soit en partenariat avec d’autres organisations de préservation de l’environnement, le ministère de l’Environnement et du Tourisme ainsi que les communautés locales.  Ceci dit, je pensais que l’engagement des guides serait plus important.

Quelle est ta définition du tourisme responsable ?

Il me semble que la définition officielle est que « Le voyage responsable préserve l’environnement et assure le bien-être des populations locales ». Mais concrètement pour moi le tourisme devient responsable ou durable pour moi lorsque qu’il préserve autant qu’il utilise, lorsqu’il rend autant qu’il ne prend. Responsable, éco, solidaire, durable… sont des mots qui ont été tellement, et souvent mal, utilisés que malheureusement aujourd’hui ils ne veulent plus dire grand-chose. Notre mouvement essaie de lui redonner un sens ; il faut prendre ses responsabilités envers l’environnement. Il est normal de s’engager pour la Terre qui nous héberge et nous nourrit, c’est notre loyer en échange de ces services.

Félix Vallat sur le terrain en Namibie

Quelles sont les actions menées par Tosco ?

Nous avons développé 4 axes de travail :

1/ soutien à la recherche (équipement et matériel pour les scientifiques étudiant et protégeant les populations de lions et d’éléphants du désert, les mammifères marins, les hyènes et lycaons, girafes, reptiles…)

2/ soutien à ceux qui cohabitent avec la faune sauvage (patrouilles anti braconnage, salaires de lion rangers, construction d’enclos anti prédateurs pour le bétail, soutien aux conservatoires communautaires, mise en place de frais de passage dans les zones de préservation hors parcs…)

3/ sensibilisation du public (brochures sur le tourisme responsable, panneaux d’informations dans les parcs nationaux…)

4/ voyage propre (compensation des émissions carbones du véhicule 4×4 par la plantation d’arbres en Namibie, gourdes ré utilisables pour limiter l’utilisation non recyclable du plastique, participation à des campagnes de nettoyage…)

De quelle manière les communautés locales sont-elles impliquées ?

Les Namibiens et les communautés locales répondent présentes depuis plus de 30 ans avec le concept de gestion communautaires des ressources naturelles grâce auquel la Namibie est le seul pays d’Afrique ayant une population stable voire croissante d’animaux hors parc national ! Y compris des espèces charismatiques tels que les rhinocéros, les prédateurs… une vraie exception qui mérite d’être saluée et encouragée. L’inclusion des communautés locales dans le processus et la reconnaissance de leur priorité sont essentiels.

C’est aussi un modèle dont s’inspire d’autres pays et je pense que cela pourrait intéresser par exemple la France qui a des problèmes de cohabitation avec les prédateurs et les plantigrades. C’est toujours plaisant lorsqu’un pays Africain a des leçons à donner à l’occident.

TOSCO et le travail avec les Rangers en Namibie

TOSCO a donc été bien accueilli et à vrai dire espéré depuis un certain temps par les acteurs locaux. Jusqu’à 2012 le secteur touristique était absent de leur table de travail… Lorsque j’ai travaillé pour les Namibian Conservancies (Conservatoires communautaires), je passais des soirées autour du feu avec des « conservationists » légendaires tels que Philip Stander et Garth Owen Smith pour lequel j’ai travaillé et qui posaient toujours la question à chaque sujet environnemental « Mais où est le tourisme, que fait-il ? » Ils croyaient tous qu’il pouvait, et devait, avoir un rôle prépondérant à jouer. Ils ont ouvert une autre dimension dans mon métier et pour moi le chemin à accomplir était clair.

Quels selon toi les principaux défis auxquels est confronté l’essor du tourisme en Namibie en raison d’un environnement fragile et d’une fauve unique, vulnérable ? 

 La Namibie, c’est la nature à l’état pur. Mais qui est fragile aussi, ce mélange d’hyper aridité et d’humidité qui vient de l’océan le rend effectivement particulièrement vulnérable. D’où notre immense responsabilité envers le pays: comment profiter de ses ressources sans les consommer entièrement et les détruire? C’est pour cela qu’un encadrement à la base, très clair, apprenant des erreurs commises dans les autres pays, est essentiel.

Nous mettons par exemple en place une charte d’engagements  concrets pour minimiser l’impact négatif et maximiser le positif avant que trop de dommages ne soient faits. Mais l’essor du tourisme c’est aussi des emplois, des revenus qui font reculer la pauvreté qui est aussi un facteur de destruction de l’environnement. Le tourisme est comme le feu: tu peux cuisiner avec mais aussi brûler ta maison.

Quels projets que tu as mené jusqu’ici te rend particulièrement fier ?

– Etre devenu le partenaire privilégié du programme d’étude et de protection des lions du Namib, tant au niveau de la recherche que de la gestion des conflits (https://vimeo.com/tosconam/desertlions

– Instaurer des frais de passage dans les régions où ceux qui font l’effort de cohabitation n’est pas compensé (https://vimeo.com/tosconam/huab

– Avoir mis en place le premier programme Namibien de compensation carbone des véhicules 4×4 par la plantation d’arbres locaux. Le fait de voyager proprement ne s’arrête pas à diminuer ses déchets mais aussi à nettoyer l’air (https://vimeo.com/tosconam/cleantravel)

Création du magazine PAKO Kids

Comment vois-tu la Namibie dans les dix ans à venir ?

 Vague question, mais du point de vue touristique j’espère que nous arriverons à créer un modèle de gestion environnementale qui inclue le tourisme. L’existence de parcs nationaux est essentielle en tant que sanctuaire mais le futur de la biodiversité réside clairement dans les zones hors parc. Certains pensent que l’humain est le problème or nous pensons au contraire qu’il est la solution et la clef car il fait partie de la nature; même s’il fait tout pour s’y extraire! C’est là que nous pouvons faire la différence.

Trois mots pour définir la Namibie.

SIMPLE : camper sous les étoiles et près de la faune sauvage est facile, tout comme prendre des initiatives car peu a encore été fait…

DURE : comme dans tout far West il faut se faire sa place et tout ce que tu mérites est à toi. Aussi, les éléments ne se contrôlent pas, ils se subissent.

BELLE : à ne jamais en revenir! 

Voyagez autrement avec Talents d’Afrique

En lien avec notre engagement social et notre volonté de redonner un véritable sens au voyage, nous avons lancé  »Talents d’Afrique ».

Avec Talents d’Afrique, au moment de choisir votre voyage en Namibie, vous parrainez un talent qui correspond à l’un de vos centres d’intérêts, à l’un de vos sensibilités ou avec laquelle et/ou lequel vous avez une affinité.

Par exemple, vous êtes passionné d’art. Choisissez un artiste. L’éducation est votre credo. Choisissez une personne engagée dans un projet éducatif. Etc.

Lors de votre voyage, vous rencontrez votre Talent d’Afrique afin d’établir un véritable lien humain. Une occasion d’entendre son histoire, de comprendre son action, d’échanger sur vos vies respectives et de lui apporter votre expérience.

Une rencontre humaine unique.

Avec Talents d’Afrique, dès le départ de votre voyage, l’humain est au centre de votre projet. CONTACTEZ NOUS